Un véritable coup de théâtre. La Cour constitutionnelle roumaine a déclaré ce vendredi dans un communiqué l’annulation de l’élection présidentielle, dont le deuxième tour était prévu dimanche sur fond de suspicions d’ingérence russe. La cour « annule la totalité du processus » pour « s’assurer de la validité et de la légalité » du scrutin et demande à ce que « l’intégralité du processus électoral » recommence.
« Le gouvernement fixera une nouvelle date » ultérieurement, a précisé la Cour, qui avait pourtant validé les résultats plus tôt et qui avait conclu à l’absence de fraudes. Mais entre-temps les autorités ont déclassifié des documents des services de renseignements étayant les accusations sur le rôle « massif » de TikTok dans la campagne, avec la Russie dans le viseur. Au premier tour, le candidat nationaliste Calin Georgescu était arrivé en tête à la surprise générale, balayant les favoris dans les rangs des partis de gouvernement.
Critique de l’Union européenne et de l’Otan, cet ancien haut fonctionnaire de 62 ans s’est encore déclaré vendredi dans les médias en faveur d’un arrêt total de l’aide militaire à l’Ukraine voisine.
Un Trump à la Roumaine
Le message « Roumanie d’abord » de Georgescu a trouvé son public auprès d’une partie de la population, lassée des partis traditionnels vus comme corrompus et confrontée à des difficultés économiques, dans l’un des pays les plus pauvres d’Europe. Mais adepte des théories de complot et admiratif de Donald Trump, il a surtout bénéficié sur les réseaux sociaux d’une « campagne de promotion agressive, en violation de la législation électorale », d’après les autorités. Elles dressent des parallèles avec de précédents efforts d’ingérence électorale russe en Europe.
Les services secrets ont recensé « 25.000 comptes TikTok » directement associés à la campagne du candidat nationaliste et devenus « extrêmement actifs deux semaines avant la date du scrutin », selon ces documents. La Roumanie a par ailleurs détecté plus de 85.000 cyberattaques, « y compris le jour de l’élection », lancées depuis une trentaine de pays et « exploitant les vulnérabilités des systèmes informatiques électoraux » pour déstabiliser le processus. Deux enquêtes ont été ouvertes sur des faits de délits électoraux et blanchiment d’argent, notamment par le parquent anti-corruption.
Une appel commun contre l’annulation des votes
Le candidat devait affronter la centriste pro-européenne Elena Lasconi, autoproclamée elle aussi « anti-système » et qui remontait dans les sondages, engrangeant les ralliements. Elle a « condamné fermement » la « décision illégale » d’un « Etat roumain bafouant la démocratie » et « conduisant le pays à l’anarchie », estimant dans une vidéo que « le vote aurait dû avoir lieu ».
Le chef du principal parti d’extrême droite AUR, George Simion, a dénoncé une décision « motivée politiquement », « annulant la volonté du peuple roumain » tout en appelant ses partisans au calme, car « le système doit tomber démocratiquement ».
A l’inverse, le Premier ministre social-démocrate Marcel Ciolanu, grand perdant du premier tour, a salué sur Facebook la « seule bonne solution après la déclassification » mercredi de documents montrant un résultat « faussé par l’intervention de la Russie ».