«C’est comme un ami pour moi, un des seuls que j’ai eu toute ma vie ». Lors de la passation de pouvoir avec Michel Barnier, le 13 décembre dernier, jour anniversaire de la naissance d’Henri IV, François Bayrou n’a pas manqué de faire allusion au « Bon roi Henri ». Car le maire de Pau voue une passion pour le « Vert Galant », Béarnais comme lui, auquel il a consacré une biographie. « C’est l’un des seuls qui m’ait vraiment donné un coup de main », dit-il aussi à son sujet.
Pour sa déclaration de politique générale, ce mardi à l’Assemblée nationale, 20 Minutes a imaginé le Premier ministre se mettre dans les pas du roi français (1589-1610) avec l’aide de l’historien Julien Léonard, maître de conférences à l’université de Lorraine. Quelles citations pourrait-il utiliser ? Voyons cela.
1. « Ralliez-vous à mon panache blanc »
Le contexte historique : Si Henri IV « n’a probablement pas prononcé cette phrase, elle dit quelque chose de son début de règne et de sa volonté d’en finir avec les guerres de religions incessantes entre catholiques et protestants, assure Julien Léonard. Le panache blanc, porté sur le champ de bataille à partir de 1590, devient vite emblématique de ce roi rassembleur, qui souhaite que les intérêts français passent avant les intérêts confessionnels. »
Pour François Bayrou : En bon centriste, le Premier ministre a souvent évoqué sa volonté de sortir des querelles partisanes au nom de l’intérêt général, appelant la gauche et la droite à s’entendre. Il aura fort à faire pour convaincre une majorité de parlementaires à se ranger derrière lui, ou du moins à ne pas le censurer sur le budget, comme ce fut le cas pour Michel Barnier.
2. « Paris vaut bien une messe »
Le contexte historique : « La phrase évoque la conversion du roi protestant au catholicisme en 1593. C’est une décision rationnelle, qui lui permet de se légitimer en se faisant sacrer, et de reprendre la main. En 1594, il fait tomber Paris, qui était aux mains des ligues catholiques et ne répondait plus à ses ordres. Et il oblige les deux camps à négocier, ce qui conduira à l’Edit de Nantes », assure l’historien.
Pour François Bayrou : Cette formule est désormais une expression populaire pour évoquer les compromis. Jusqu’à quel point le maire de Pau sera-t-il prêt à négocier pour faire passer son budget ? Si Paris vaut bien une messe, que vaut Matignon ? Il devrait donner sa feuille de route, et les éventuels gages offerts à la gauche, ce mardi devant les députés.
3. « Le meilleur moyen de se défaire d’un ennemi, c’est d’en faire un ami »
Le contexte historique : « Cela évoque ses pratiques après sa conversion. Entre 1593 et 1598, Henri IV essaye de réunir les Français et de rallier les catholiques radicaux, les ligueurs, proches de la famille des Guise. Il utilise la diplomatie mais aussi… beaucoup d’argent. Il négocie financièrement avec les villes catholiques, notamment le duc de Mercœur, gouverneur de Bretagne. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si l’Edit est signé quelques semaines plus tard à Nantes ».
Pour François Bayrou : Alors que Michel Barnier est tombé en raison d’une censure votée par la gauche et le RN, son successeur espère ne pas subir le même sort. Le Premier ministre tente depuis un mois de retourner une partie du NFP, et notamment les socialistes, jusqu’ici adversaires politiques du bloc central, pour faire passer son budget sans risque de censure. Reste à savoir s’il sera aussi diplomate que son « ami » Henri.
4. L’Edit de Nantes : « Il est temps que nous tous, saouls de guerre, devenions sages à nos dépens »
Le contexte historique : « En 1598, Henri IV met fin à la huitième guerre de religion. La France est depuis plus de trente ans plongée dans ces guerres civiles incessantes, qui l’ont affaiblie sur le plan international, explique Julien Léonard. Il souhaite donc en finir en accordant un certain nombre de libertés aux protestants dans le royaume ».
Pour François Bayrou : Le Premier ministre devrait encore évoquer son souhait de pacifier la vie politique française, souvent en éruption ces dernières années. Henri IV « a fondé sa rencontre avec la France sur la nécessité de sortir des guerres stupides et secondaires […] J’essaierai de servir cette réconciliation nécessaire. C’est le seul chemin vers le succès », disait-il notamment lors de la passation de pouvoir. Le Premier ministre a d’ailleurs invité l’ensemble des forces politiques, y compris le Rassemblement national, à son arrivée à Matignon.
5. « Je veux que chaque laboureur en mon royaume puisse mettre la poule au pot le dimanche »
Le contexte historique : « Cette citation, attribuée probablement après la mort d’Henri IV, évoque les années 1600-1610, celles de la reconstruction économique et matérielle de la France, avance l’historien. Le roi aurait alors insisté sur la nécessité de bien faire vivre ses sujets après les années de guerres. Après son assassinat, on garde d’ailleurs le souvenir du ”Bon Roi Henri” à travers cette image de la poule au pot ».
François Bayrou : Après avoir reçu les syndicats la semaine passée, le maire de Pau est très attendu, aussi, sur la question du pouvoir d’achat, qui reste la priorité des Français en ce début d’année. Et ce, dans un contexte de réduction de la dette publique, comparée à un Himalaya par l’intéressé.